Guy, ce soir là, rentrait de Paris.
Il rentrait d'un nouvel échec à sa
quête à l'emploi, de nouveaux doutes à sa quête à l'amour,
d'une angoisse nouvelle à sa quête en lui-même. Un Paris-Quimper
lui avait semblé pareil aux barges retour d'une expédition manquée.
Guy, ce soir là, se sentait seul.
Depuis quelques mois cruels, la vie
négociait de douloureux tournants. Peut-on affronter la réalité
sans l'appui quelconque d'une triche avec le vrai ? Alors, ce soir
là, Guy avait décidé de retrouver la bouteille copine à s'apaiser les douleurs. Ce soir là, Guy chercha quelques
paroles à échanger avec un ami d'enfance, assez loin de lui, mais si
proche par la voie du Net.
Quelques secondes de connexion
suffirent à mesurer le désert de l'absence. Anesthésié,
tétanisé devant les bonshommes rouges ainsi vaquant à leur
bonheur, il aperçut un bouton qu'il ne connaissait pas : « Mon
espace perso ».
Par désœuvrement autant que par
curiosité, Guy cliqua pour découvrir ce dont il avait déjà entendu
parlé sur l'univers complexe de la toile : un blog.
Se demandant ce qu'il pourrait bien en
faire, une idée germa dans son esprit : Douze ans déjà qu'il
n'avait plus écrit ; pourtant il aimait ça, l'écriture, il y a douze ans ! Guy pensait même avoir un peu de talent ! De cet un peu de talent oublié
restaient encore les traces papiers d'amours déçues que Brest
semblait avoir enterrées. Guy décida donc de les recopier sur un « espace
perso ».
La frappe de ces mots réveilla chez lui
la douleur de choix mal faits, de visages juvéniles qui s'étaient
enfuis dans l'étirement d'années trop lourdes à porter. Guy voulu
se souvenir de Brest. Il regarda, l'esprit embrumé, le visage des
inconnues sur le répertoire des utilisateurs du « tchat »
en Finistère. Et quand il la vit, il se souvint... Guy se souvint de
son long regard bleu-vert, le même ! Il se souvint des boucles brunes,
les mêmes ! Il ne put y croire vraiment... Pourtant, si deuxième
chance lui était offerte, une autre tellement proche et si
joliment probable ! Alors... Un simple message... et quel risque ? Et
même si c'est bidon ? Quel risque ?
Lili avait reçu le message. Or, Lili ne
croyait plus à l'amour. Lili avait trop souffert des effets de cette chose à géométrie variable. Enfin, Lili l'avait trouvé marrant ce
garçon... Quel risque ?
De toute façon, ses copines avaient
déjà poussé pour qu'elle crée un profil d'utilisatrice, en lui
faisant avaler que c'était obligatoire pour utiliser le logiciel de
dialogue avec Internet ! Elle avait juste bloqué sur un point : Pas
de photo d'elle sur le Net ! Avec un commerce, on rigole pas
avec ça ! Dès lors, ses copines avaient trouvé une belle photo de
brune aux yeux « menthe à l'eau », comme Elle, mais en
plus lisse, un top model. Lili avait dit OK... Quel risque ?
Lili avait répondu au message.
Et pourquoi pas essayer ? Lili lui avait même envoyé son adresse électronique afin de discuter, pour tester.
Le lendemain Guy n'en crût pas ses
yeux : réponse arrivée de la belle inconnue, tombée dans sa boite
au lettres numériques comme Alice au creux d'un terrier de lapin blanc !
Sur ce courriel figuraient les coordonnées
nécessaires à dialoguer avec elle depuis l'ordinateur.
Il les saisit, bien sûr, à cette
heure avancée de la nuit, le personnage rouge d'absence apparût
encore à ses yeux. Le lendemain soir, il était vert de présence !
Elle était là Lili ! Et pour Lili, Guy était là aussi !
Comme on le fait au zinc d'un troquet
quand deux regards se croisent et se recroisent, ils firent les
présentations d'usage, empruntées, un peu bêtes et timides et
maladroites. Qu'importait ? De toute façon, ils dialoguaient...
De toute façon, quel risque ?
Après avoir échangé les banalités
d'usage, ils se demandèrent naturellement la nature de leurs
occupations professionnelles. Elle travaillait, quant à lui, il fit
la réponse toute prête qu'il avait maintes fois utilisée pour
sauver la face : Il était en CDI dans la plus grande entreprise de
France (en Congé à Durée Indéterminée aux ASSEDICS).
Décidément, Lili trouvait qu'il avait
de l'humour ce garçon ! C'était franc de plus... Un bon
point !
Puis Guy lui demanda spontanément si
c'était bien Elle aussi jolie sur la photo.
Lili frémit. Que répondre ?
Alors, Guy lui dit qu'Elle avait un regard
superbe, un regard qui l'avait arrêté, tel une réminiscence du passé.
Lili frémit. Après tout, Elle aussi
avait les yeux bleus-verts ! Et, hors de question de montrer une vraie
photo, car on ne sait jamais avec Internet !
Elle lui répondit par oui. Lili pourrait
toujours revenir sur ce petit mensonge. Il était là pour la bonne cause.
Aussi, Guy renchérît de compliment sur sa
beauté, quand bien même il douta de la sincérité de cet
aveu, car on ne sait jamais avec Internet... Et puis une photo, ça ne
veut rien dire ! Mais bon, quand même ! Et puis, elle est vraiment
jolie ! Bon, passons, on verra bien !
Peu à peu les discussions futiles et
épisodiques du début firent place à l'habitude et au besoin.
L'addiction de la machine se faisait de plus en plus prégnante aussi bien pour
l'un que pour l'autre. Elle devenait le cycle régulateur de leurs journées
: Telle heure, il savait la retrouver, telle minute, elle devait se
connecter.
Tant il fut vrai qu'elle lui apportait le
rayon de soleil qu'il attendait, Lili se faisait l'écho parfait des propos de Guy.
Tant il fut vrai qu'il la fascinait, cette
expression limpide et rigolote à la fois, se fasait l'écho parfait
de ses goûts à Lili.
Mais plus que tout, Guy avait un blog !
Et Guy s'était remis à écrire.
Afin lui plaire ? Non.
Je ne pense absolument pas qu'on écrive afin de plaire. On peut
plagier pour plaire, on écrit par nécessité.
Lili avait réveillé cette nécessité. Puisqu'elle le savait, le sentait, s'en chauffait, s'en réchauffait, puisqu'elle en
puisait aussi des forces nouvelles, un sentiment s'installait, mêlé
d'admiration nourrie d'affection, qui ressemble à s'y méprendre à
l'amour.
Après tout, ces discussions n'étaient
pas plus que de bons moments entre amis virtuels !
Il en allait comme lorsqu'on discute entre jeune
femme et jeune homme sur une terrasse ensoleillée... Certes, on n'est pas des
bêtes ! D'ailleurs Guy avait proposé à Lili de le faire en ville, et d'aller se boire une mousse ou se taper un gastos, entre copains...
Simple et évident comme une relation humaine.
Or, Lili ne voulait pas, pas tout de
suite, elle avait ses raisons à elle.
Alors, quand Guy lui demanda des photos
d'Elle, un peu d'autres photos, Lili ne pût refuser. C'est sûr, Elle en trouva des
photos d'Elle : à l'infini de l'Internet, il y en avait des photos d'Elle, et des photos qui ne
l'obligeraient pas à se fendre de son premier mensonge.
Immédiatement, Guy les reçût, doutant encore une
fois de leur authenticité, mais il avait tellement envie de croire, à ce point tel qu'il en négligea son habituelle rationalité. Finalement, la toile
lui offrait la déesse de ses rêves, alors pourquoi mettre en doute
un tel cadeau du ciel ? Homme de peu de foi !
Peu de temps après, Guy rompait la
liaison qu'il avait entretenue tendrement à Paris.
Dans son for intérieur, il voulait l'amour et la passion !
Lili avait mal réagit en apprenant sa
liaison. Mais ainsi que Guy le lui avait fait comprendre, ils n'en
étaient tous deux qu'au début d'une idylle et par écrans interposés. Pas de
quoi s'imaginer une quelconque tromperie dans ce mensonge par omission.
Lili avait mal réagit, mais bon, après
tout, Elle aussi y allait de ses petits mensonges ! Alors, quelles
raisons de ne pas passer l'éponge ? Avec en plus les petites vérités
déformées.
De plus, les textes de Guy l'avaient
tant épatée, qu'Elle voulait se montrer à la hauteur, Elle aussi.
Chez Guy, c'était le défaut le plus
commun : En mettre plein la vue. Nul ne balance ainsi sa qualité, pour peu qu'il en ait, à la figure des gens ! C'est maladroit, c'est montre effectivement d'un manque absolu d'intelligence affective et sociale.
Une fois, Lili s'était sentie petite : Au lieu
de la rassurer, il la mettait au pied du mur. Elle décida de le
franchir ce mur, et de se mettre à une hauteur qu'elle jugeait celle de
son correspondant numérique.
Elle fit une chose très laide :
Elle copia sur internet des poèmes, assez souvent chants douloureux de la
souffrance des autres ; elle les servit à Guy, lui montrant ainsi
qu'elle était pas nulle Lili, qu'Elle pouvait retenir son attention, voire être objet de son intérêt.
Elle les lui servit en illustration de
son histoire dans des dialogues abstrus, mêlant ainsi le faux dans le vrai, dans
l'étendue des entrelacs obscurs où elle se perdait, s'étouffait. Elle les
lui servit comme autant de cadeaux empoisonnés dans des courriers
électroniques.
Guy lui avait demandé si c'était
d'Elle...
Oui, comment mettre en doute une parole de déesse ? Elle le fascinait de plus en plus sa Lili. Redoublant de vigueur dans son écriture, ils échangèrent leurs
numéros de téléphone. Ils parlèrent. Ils parlèrent longuement, parlèrent de tout, de rien, d'eux, de sentiments, de
réciprocités, de désirs communs, de futurs proches et d'avenirs
lointains, parlèrent ainsi qu'on exorcise en vain des démons intérieurs
trop longtemps contenus par le cadre lumineux d'une machine à
rêve. Et l'exutoire de leurs téléphones cellulaires était le
reflet de cette passion violente, un prétexte à des nuits
blanches, un tableau noir de petits mots de tendresse à la craie cassée.
Guy croyait sentir que ses longues journées
passées à écrire à sa divine au long des plages bretonnes, iraient
de moins en moins nombreuses à les séparer de leur première
étreinte.
Il est dit que Lili le pensait aussi ! Qu'Elle se sentait prête à
le voir. Ils se fixèrent un rendez-vous. Puis non, tout en sachant que
c'était reculade forcée. Elle, qui était-Elle ? Hein, Lili ? Les photos,
les poèmes, sa propre histoire, hein ? Lili était un personnage idéal
fait de kilo-octets : le savant mélange de Lara Croft et de Jane
Eyre. Alors, Lili ou qui qu'elle soit, prise au piège de l'anonymat
fardé du net, réinventa encore et encore pour sauver ce qui
comptait alors le plus au monde pour elle : une ô combien factice et précieuse relation sentimentale.
Enfin, au bout d'une longue nuit, elle
fit à Guy un aveu terrible.
Guy comprit ! Guy prit la décision de
la patience et oublia la brusquerie... Nul ne brusque un être
blessé ! Face aux aveux d'un viol, on patiente ! On arrête les tentatives de débarquement
impromptu dans la cité du ponant...
Face à des descriptions sordides, on passe l'été dans les étoiles du verbe, à occuper ses pensées
de cet être qui vous est devenu si cher.
Les nuits continuèrent, et la passion ne
s'éteignait pas ; bien au contraire, elle devenait dévorante. Au fil de l'eau, Lili
commençait à ressentir les premiers signes de sa rupture avec le
réel : Une irréfrénée jalousie vis-à-vis de son petit poète. Oh ! comment pouvait-Elle l'empêcher de s'envoler alors qu'elle
s'interdisait par ses choix initiaux et la continuité de ses
errances, à pouvoir même l'approcher ? Des crises tonitruantes !
Et des ultimatums ! S'il agissait ainsi c'est qu'il ne l'aimait pas... Les téléphones crépitaient jusqu'à l'apaisement.
Mais Lili s'était remise à dessiner.
C'était sa façon de répondre enfin par ses propres moyens au vilain poète. Elle
savait le plaisir qu'Elle lui procurait à chaque nouvelle esquisse. Elle revivait, virtuellement, mais elle revivait !
Guy, ayant quitté le plancher des vaches, essayait de se projeter de jour en jour, de
semaine en semaine, et d'une quinzaine à l'autre, au moment crucial où la
belle allait enfin se sentir prête à se donner.
Il sortait peu, en journée, juste pour
écrire... Et plus il créait, plus il désespérait que cette
dernière création ne fût pas celle ayant provoqué le déclic ainsi tant
attendu.
Lili vivait son monde-piège et le lui
faisait partager. L'été passa littéraire.
Un événement survint toutefois.
Pour justifier de sa bonne volonté à
le retrouver enfin, Lili dit à Guy suivre une thérapie dans un
centre bien connu d'eux deux, précisant y consulter quelqu'un
qu'Elle aurait du voir plus tôt.
Cela concerna Guy : puisqu'Elle faisait
attention pour eux, ne devait-il pas en faire autant et cesser avec
ses imbéciles habitudes dont il n'avait plus cure ? Guy se mit au
vert !
Ce choix fut-il crucial dans sa
lucidité ? La durée fut-elle source d'usure ou de lassitude ?
Eh bien, quoiqu'il en soit la magie fut de moins
en moins présente et l'écriture se fit plus lente et moins
passionnée, les connections peut-être plus astreignantes et
laborieuses.
Et pourtant cette curieuse passion
épistolaire survivait farouchement ; parfois, elle prit même une forme
imprévue qui les conduisit au portes d'un plaisir distant pourtant si tangible ; une projection fantasmagorique, expérience
troublante, unique.
Un impondérable se
produisit : dans l'univers des blogs — la future Cybérie — la communication s'établissant entre
acteurs de ces petits espaces de rêve et d'introspection,
d'extraversion, est un moteur crucial de leur survivance. Une de ces
« blogueuses », aussi séduite par le style de Guy, l'invita à
causer par le biais usuel. Guy accepta, comme il l'avait fait avec de nombreux autres contacts qui l'avaient eux aussi poussé, plus
que consciemment, vers l'enrichissement de son site.
Il dialogua sympathiquement avec cette
charmante jeune femme qui lui conta une abracadabrante histoire : elle était la cible privilégiée d'un maniaque pervers de
l'Internet qui l'avait séduite avant que de la harceler. Le plagieur l'avait conquise par l'odieux truchement de textes pillés ça et là
sur la toile. Alors, cela le laissa songeur...
Ce n'était pas possible que Lili...
Mais Guy était en manque de preuves...
Il prit la première phrase de ce
premier poème qui lui était si cher. Il plaça ces quelques
morceaux d'amour en forme de lettres, entre les guillemets d'un
moteur de recherche. Il tapa sur « Entrée ».
Le monde s'ouvrait sous son siège
roulant !
Il prit une seconde phrase dans un
second poème et se retrouva à nouveau sur le lieu original de son
créateur. Puis une troisième chez un autre créateur. Puis une
quatrième, une cinquième...
Il téléphona au centre hospitalier :
Pas de thérapies de groupe existant ! Pas de médecin concerné !
Il partit en voiture sur des lieux
qu'il connaissait et le commerce attendu semblait n'y pouvoir
exister.
Lili était heureuse ! A cette heure,
elle allait pouvoir enfin parler à son écrivain fantasmatique.
En effet, ce fut le cas, car ils étaient tous deux
connectés, puis qu'il lui téléphona. D'une voix enjouée,
amoureuse, elle entama la conversation.
Guy lui répondit sereinement,
calmement, puis l'enjoignit à l'écouter : il devait lui faire
plusieurs aveux, pensant qu'il avait en effet abusé de sa confiance en lui
déformant quelques vérités, pensant qu'il s'en était voulu, énormément
voulu, qu'il avait pris la résolution de le lui avouer en relisant ses
textes, ses si beaux et si touchants textes... qui n'étaient pas
d'Elle !
Un long silence s'ensuivit.
Pour Lili le monde s'ouvrait à son
oreille. Elle devait réagir vite ! Sauver l'essentiel : Elle et lui, tous deux, le rêve ! Elle se défendit de suite : Elle savait d'où cela venait ! car Elle avait été plagiée, ce qu'elle pouvait prouver !
Cela fit long feu... Guy afficha la
liste des liens conduisant aux textes incriminés.
Nouveau long Silence...
Le reste fut souffrance et déchirure,
agonie.
Lili se défendit bec et ongles. Elle
lui envoya la vérité de ses esquisses par courrier postal,
accompagnée d'une lettre signée Lili ! Le mensonge coulait dans ses
veines, Elle ne pouvait ainsi que se vider de son sang.
Guy sut que les esquisses étaient
vraies, mais ne le savait-il pas déjà puisque certaines le
représentaient ?
Certes, il savait le vrai, peut-être savait-il le faux,
mais il ne pouvait démêler le vrai du faux dans le reste.
Aux nuits de tendresse succédèrent
des nuits de larmes, des nuits de détresse.
Or, Lili restait Lili dans toute sa
splendeur déliquescente, aquarelle délavée par les rivières qui
en coulaient, « bug » à l'image si bien conçue !
Guy voyait le beau mirage s'évaporer. Des illusions perdues, qui sommes-nous pour le juger ?
Lili, la femme-piège et la jeune fille
encerclée, le mirage implosait. Folie révélée, que savons-nous de ce qui
l'a guidée ?
Cinq jours passèrent. On compta cinq lettres au
pentagramme et cinq âges dans la durée du temps.
Guy repris le bon sens du raisonnement,
la méthode, en laissant de côté le discours.
Il comprît l'erreur initiale : elle tenait à cette
première et fulminante photo dans laquelle un flux de ses mots tendres avaient
enfermé son contact.
Il se sentit d'une culpabilité partagé
avec Lili. Bien sûr, elle avait menti , mais lui s'était laissé
bercer de ses mensonges, la laissant se mentir à elle-même. Et
chacune de ses poésies étaient autant de clous supplémentaires et s'ajoutant à la crucifixion de celle qui se cachait sous Lili.
L'écriture est un exercice périlleux : parfois, elle donne à manger à celui ou celle affamé de rêves, et jusqu'à
l'indigestion parfois...
Finalement, n'avait-il pas cru qu'à ce qu'il souhaitait croire ? Et de ce fait n'avait-il pas
conduit Lili plus sûrement à sa dérive absolue qu'elle ne l'avait envisagé d'elle-même ?
Alors oui ! Coupable ! Tous les deux
coupables de ce couple fictif !
Mais il y avait aussi un troisième
coupable : Le système ! La matrice ! Le joujou du multimilliardaire
ricain ! Vous êtes-vous déjà interrogé sur la structure de ce
système ? Que ne permet-il pas ? Des adultes sains n'y tombent pas
bien sûr ! Mais y-a-t'il des adultes sains à se projeter dans des
rêves d'amour au hasard de rencontres immatérielles ? Elles sont aujourd'hui marquée du fer rouge où le djihadisme a su puiser sa vigueur et l'efficacité de ses outils de radicalisation barbare.
Il y a des règles à suivre, Guy le
sait à présent... Des Caméras à activer, des preuves à exiger,
des rencontres à faire rapidement, des raccordements prompts à faire avec la réalité.
Mais la structure du système est
perverse ! C'est ce qui fait son succès. L'histoire de Lili et de
Guy en est la preuve tangible.
Alors, Guy a réfléchi à tout ça. Guy
a reconstitué l'histoire comme un paléontologue le fait d'un
squelette de saurien préhistorique, et Guy a pris son téléphone pour
la raconter à Lili, et Lili a commencé à mourir.
Il n'y eut d'abord plus d'image de
Lili, puis il n'y eut plus de prénom Lili.
Il y eut l'image d'une charmante jeune
femme trop peu sûre d'Elle.
Il y eut un prénom trop commun à son
goût, trop banal pour enflammer un esprit amoureux.
Vous voyez c'est con Internet ! Elle
aurait immédiatement charmé Guy, moins lisse que ce portrait glacé,
mais tellement plus humaine, vivante et réelle.
Alors, Guy a relu ces vers d'Oscar
Wilde, "Yet each man kills the thing he loves, from all let this
be heard. Some does it with a bitter look, some with a flattering
word. The coward does it with a kiss, the brave man with the sword",
qu'on pourrait approximativement traduire ainsi : Chaque homme a déjà
tué la chose qu'il a aimée, que ce soit entendu de tous, certains le
font plus élégamment, certains d'une flatterie. Le lâche d'un
baiser, le brave d'un coup d'épée.
Alors comme Lili était la chose qu'il
aimait, Guy l'a tuée devant vous cette nuit, ici, de ce coup d'épée.
Ne compare-t'on pas si souvent les
plumes et les épées ?